Critique littéraire : Là où le soleil disparait

Avant-propos

J’ai écrit cette critique en janvier 2017 sans jamais la publier, car il semble que je l’avais oublié dans un petit coin de nuage. Puisqu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, je vous l’offre aujourd’hui. Et, au fait, je viens de voir que la version papier est offerte à moins de 7 $ sur Amazon.ca (la version livrel n’était toujours pas offerte). Sautez sur l’offre !

Synopsis (Amazon)

En démarrant ce récit, je savais que les pages du génocide et du massacre de ma famille au Rwanda, en 1994, m’attendaient. Je savais qu’écrire cette douleur passée, c’était mettre des petites cuillerées de pili-pili sur la chair encore fraîche d’une plaie que je voulais à tout prix croire fermée. Et, sur le chemin de la rétrospective, j’ai trouvé d’autres plaies. Vives. Brûlantes. Ce livre, il m’aura fallu presque cinq ans pour le finir.

Pour la première fois, le chanteur Corneille revient sur le génocide rwandais, le miracle de sa survie, son espoir infaillible, ses rêves, l’immense succès qui a été le sien, mais aussi ce long recul, ces dernières années, qui lui a été indispensable pour renouer avec son histoire et ses racines.

Le récit poignant, porté par une écriture d’une rare poésie, d’un artiste, mais surtout d’un homme, à la recherche de sa vérité.

Critique de l’œuvre

C’est une histoire écrite avec humilité, honnêteté et sobriété. Si votre but en lisant le livre d’une personnalité publique est d’assister à un lavage de linge sale en famille, vous serez amèrement déçu. Le premier tiers est consacré à l’enfance de Corneille, qui est né en Allemagne et qui a déménagé au Rwanda à l’âge de six ans. Nous passons ensuite à son adolescence, à sa passion pour la musique et, bien sûr, à sa fuite du Rwanda à la suite du massacre de sa famille. Moments évidemment touchants du livre, où l’auteur nous invite à entrer dans ses souvenirs. Il décrit certes certaines situations graphiquement, mais de manière à la fois sobre et intime. Corneille nous dévoile son parcours professionnel, mais sans ne jamais se laisser prendre au jeu malsain des règlements de compte. Lorsqu’il nous parle de son chemin, de la route parcourue, c’est pour nous dévoiler les blessures profondes qui l’ont empêché d’être réellement heureux malgré son succès. Il nous parle de ses échecs, sans ne jamais blâmer directement qui que ce soit, à part peut-être lui-même, et de ses amours, sa belle Sofia et ses enfants. Il nous parle simplement, nous fait entrer dans ses pensées et partage avec nous ses dialogues fictifs avec son père décédé (qui lui fait toutefois la morale de temps à autre !). Tout au long de notre lecture, nous avons l’impression qu’un ami se confie à nous, en toute intimité. Il est évident (selon ma perspective, du moins) que l’auteur avait deux buts en écrivant ce livre : le premier était une sorte de thérapie, un exutoire, un peu dans le même ordre d’idée que de demander à un enfant de dessiner son cauchemar afin de l’enrayer pour de bon de ses nuits. Ensuite — et il le dit presque lui-même à mots à peine couverts — c’est de tenter de relancer sa carrière. Je ne serai certainement pas la seule à m’être procuré à la fois son livre et son disque le plus connu, « Parce qu’on vient de loin » (en fait, j’ai reçu les deux en cadeau à ma plus grande joie). Combien de gens achèteront ensuite une autre compilation, juste pour voir ? Un des objectifs était très certainement de faire parler de lui à nouveau dans les médias et, peut-être, de revoir certains de ses succès musicaux reprendre la route des ondes radio. Je ne le juge pas d’avoir eu recours à ce moyen pour remonter en popularité ; au moins, lui, contrairement à d’autres, a quelque chose à dire et il l’exprime avec brio. On ressort de cette lecture en nous disant que nous sommes très chanceux. Corneille nous montre que tout est possible, pourvu qu’on sache attraper les opportunités qui se présentent à nous. Il faut croire en nos rêves. Lorsque j’ai terminé le livre, ma première réflexion fut : « on dirait qu’il ne savait pas comment le finir… ». Toutefois, je me suis dit que c’était normal et même honnête envers nous, puisqu’il ne sait effectivement pas où il s’en va avec ce projet. Il ne sait pas ce qu’il veut vraiment faire ensuite. A-t-il tout dit en chanson ? Le showbizness est un métier difficile : tu es adulé et les fans se jettent à tes pieds le lundi, et tu te retrouves à faire de la musique dans un bar de cent personnes qui ne t’écoutent pas vraiment le vendredi. Je ne m’inquiète toutefois pas pour Corneille qui a une résilience certaine et qui, surtout, possède plusieurs cordes à son arc. Il le dit lui-même : il ne fera pas de meilleur disque que son premier et, lorsqu’on écoute des extraits des autres qui ont suivi, on ne peut qu’abonder en son sens. Le premier venait du cœur et des tripes ; les autres sont plus commerciaux et sans distinction particulière. Une belle voix, certes, mais il semble manquer une âme. Corneille nous prouve toutefois qu’il a un talent certain pour l’écriture, et il fera peut-être un jour le grand saut pour une œuvre de fiction, qui sait ?

Médium

Je me suis procuré la version papier (j’entends déjà les : « hein, ben là ! »). D’accord, je suis prolivrel*, mais je voulais mettre cet ouvrage dans ma bibliothèque « échec de l’humanité » et, de plus, il n’était pas offert en format Kindle (incroyable, mais vrai… et pas étonnant au Québec !). Donc, un livre aux pages crèmes et mattes, ce qui facilite la lecture puisque la lumière directe n’est pas reflétée sur la surface. Plusieurs belles pages de photographies sur papier glacé blanc. Couverture sobre comme je les aime (monochrome avec quelques écritures rouges, ce qui n’est pas sans rappeler mes propres couvertures). L’auteur a su jouer avec les types de caractères pour faire une démarcation claire entre les sections de narration et les parties où il dialogue virtuellement avec son père. Puisque c’est un livre de tout de même un peu plus de 300 pages, c’est difficile à tenir à une main tandis que l’autre doit s’occuper du chat ou bien attraper la tasse de thé, mais bon… je voulais juste le spécifier pour passer mon message qu’une liseuse c’est géniale !

Verdict

Un livre à se procurer illico si vous désirez en savoir plus sur le parcours de Corneille et sur sa vision face à la vie en général. Une œuvre qui vous pousse à la fois à l’introspection et à une ouverture sur le monde. Qu’est-ce qu’une augmentation de dix cents à la pompe comparée à des gens ne sachant même pas de quoi demain (ou les prochaines heures) sera fait ?

* Terme francophone pour e-book et e-reader selon l’Office de la langue française du Québec.

** La graphie rectifiée est appliquée à ce texte.

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